Les neutrinos font partie des particules décrites par ce que l'on appelle le Modèle Standard qui décrit de façon précise l'ensemble des interactions entre les particules élémentaires. On sait de ces particules qu'elles ne possèdent pas de charge électrique et qu'elles interagissent extraordinairement peu avec leurs congénères, du moins quand leur énergie n'est pas très élevée. On a longtemps pensé que leur masse était nulle à l'instar des photons, mais on soupçonne très fortement depuis 1998 qu'ils possèdent néanmoins une masse, probablement très faible, même s'il est très difficile de la mesurer directement.
Légende : A l'intérieur du détecteur de neutrinos Super-Kamiokande
Crédits : Kamioka Observatory, ICRR, Université de Tokyo.
En astronomie, les neutrinos sont produits en abondance au sein des étoiles, et jouent un rôle tout à fait déterminant dans les dernières phases de l'évolution des étoiles massives. Quand ils sont dotés d'une énergie élevée, les neutrinos se mettent à interagir significativement avec les autres particules. Cela se produit lors de la toute fin de vie des étoiles massives, mais aussi (et surtout) pendant le Big Bang. Quand la température de l'univers dépassait quelques dizaines de milliards de degrés, neutrinos et photons interagissaient sans cesse et leurs abondances relatives étaient semblables : pour quatre photons, on trouvait alors 9 neutrinos, qui ont ainsi un temps été les particules les plus abondantes de l'univers. Un peu plus tard, alors que l'univers se refroidissait encore, les neutrinos sont devenus un peu moins abondants que les photons, quoiqu'en proportions toujours semblables : pour 11 photons, on trouvait désormais 9 neutrinos.
Cette situation perdure encore aujourd'hui : de même qu'il existe le rayonnement fossile, qui est l'écho lumineux du Big Bang, il existe aussi un rayonnement fossile de neutrinos. A l'instar du rayonnement fossile de photons, le rayonnement fossile de neutrinos ne contient que des particules très peu énergétiques mais il semble (presque) totalement sans espoir d'envisager le détecter un jour ...
La principale caractéristique des neutrinos, on l'a vu, c'est qu'ils interagissent extrêmement peu avec leur environnement. C'est ennuyeux pour les physiciens des particules qui ont de ce fait du mal à déterminer leurs propriétés, mais paradoxalement, c'est une chance pour les astrophysiciens, car au final, les propriétés des neutrinos ne jouent guère de rôle en cosmologie, précisément parce que leurs propriétés n'ont peu ou pas d'influence sur le reste de l'univers. En fait, les neutrinos n'interviennent de façon notable que lors de deux phases de l'histoire de l'univers : la nucléosynthèse primordiale et la formation des grandes structures.
Légende : Image prise en 2011 de la supernovae SN 1987A. Lors de l'explosion de la supernovae en février 1987, on estime que 1058 neutrinos ont été émis, et 24 d'entre eux ont été détectés sur Terre par 3 détecteurs.
Crédits : ESA/Hubble & NASA
La nucléosynthèse primordiale est l'époque de l'histoire de l'univers qui a vu s'assembler les premiers noyaux atomiques à partir des protons et des neutrons qui s'étaient formés un peu plus tôt.
À cette époque, quand la température descend en-dessous d'un ou deux milliards de degrés, les neutrinos ont virtuellement cessé d'interagir avec la matière. Ils sont donc plus spectateurs qu'acteurs du jeu de réactions nucléaires qui se produisent et forment les premiers noyaux d'hydrogène, d'hélium et de lithium. Mais là où ils jouent néanmoins un rôle, c'est dans le fait que la nucléosynthèse se produit sur une plage de température assez restreinte : à haute température (plus de deux milliards de degrés), les noyaux atomiques sont immédiatement détruits par les collisions avec d'autres particules, et à plus basse température (moins de 300 millions de degrés), l'énergie individuelle des protons et des neutrons est insuffisante pour leur permettre de s'approcher suffisamment et rester collés les uns aux autres. La quantité d'hélium et de lithium dépend ainsi de façon cruciale de la durée de la nucléosynthèse, et par suite de la vitesse à laquelle l'univers se refroidit. Or, les lois de la gravitation nous expliquent que l'univers se refroidit d'autant plus vite qu'il est dense. La quantité de neutrinos présents à cette époque influe donc sur la durée de la nucléosynthèse et sur l'abondance d'hélium produit, car plus il y a de neutrinos, plus l'univers se refroidit vite.
Légende : Deux noyaux d'hydrogène fusionne en un noyau de deutérium en émettant un positron et un neutrino.
Crédits : NASA/NSSTC/Hathaway
La formation des structures est le nom du processus, principalement régi par la gravitation, selon lequel la matière s'agence en structures comme les galaxies ou les amas de galaxies.
Les astrophysiciens connaissent bien les conditions qui permettent à l'univers de passer d'un état primordial très homogène à la situation beaucoup plus différenciée que l'on voit aujourd'hui. Ce passage se fait essentiellement grâce à la présence de matière, pourvu que celle-ci soit composée de particules se déplaçant suffisamment lentement par rapport à la vitesse de la lumière. Si une région de l'univers est légèrement plus dense que la moyenne, elle va attirer à elle la matière environnante. Petit à petit cette région va rassembler suffisamment de matière pour donner naissance plus tard à des galaxies. Mais ca ne marche que si les particules de matière se déplacent individuellement à des vitesse faibles : on parle alors de matière
« froide », et à l'inverse de matière « chaude », par comparaison avec ce qui se passe dans un gaz où les particules se déplacent d'autant plus vite que la température est élevée.
La matière ordinaire que nous connaissons, les atomes, correspond à de la matière « froide », mais on sait aujourd'hui que la matière ordinaire n'est pas la seule qui existe dans l'univers. Celui-ci contient aussi de la matière noire qui comprend très certainement une composante « froide » sans laquelle il semble impossible d'expliquer pourquoi l'univers contient autant de galaxies. Il est en fait possible par ce biais de déterminer les abondances respectives de matière noire froide et chaude.
Légende : Simulations de grandes structures avec de la matière noire chaude (gauche), tiède (milieu) ou froide (droite) à très grande échelle et à l'échelle des amas de galaxies.
Crédits : ITP, université de Zurich
Du fait de leur très faible taux d'interaction avec la matière, les neutrinos ont longtemps été considérés comme pouvant former la matière noire, puisqu'on est certain de leur existence du fait de la nucléosynthèse primordiale. Malheureusement, cette idée ne marche pas car les neutrinos ont des propriétés inverses de celles qui favorisent la formation des structures : les lois de la physique nous disent que des particules de très faible masse peuvent avoir une vitesse très importante même quand leur énergie est très faible, ce qui en fait de la matière « chaude », du moins pendant une grande partie de l'histoire de l'univers.
Cependant, si les neutrinos ont une masse non nulle, leur énergie est peut-être suffisamment faible aujourd'hui pour qu'ils se comportent maintenant comme de la matière noire « froide ». Néanmoins par le passé, cette énergie les faisait certainement se comporter comme de la matière noire chaude. Ainsi, si la masse des neutrinos est non nulle, l'abondance passée de matière noire froide sera, paradoxalement, moindre que si les neutrinos sont sans masse !
Les scientifiques espèrent ainsi mettre en évidence la masse des neutrinos : en déterminant de façon très précise les populations des galaxies en fonction de leur masse, ils pensent pouvoir mettre en évidence la valeur de la masse des neutrinos ou en tout cas contraindre celle-ci. Cette technique a déjà été utilisée : on calcule aujourd'hui que la somme des masses des trois espèces de neutrinos est inférieure au tiers de la masse de l'électron. Cette limite sera améliorée avec les mesures du satellite Planck : en utilisant conjointement d'autres observations, on peut espérer mettre en évidence une masse des neutrinos allant jusqu'au dixième de celle de l'électron seulement.
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