OutilsAstrophysiqueLe modèle de concordance

Le modèle de base, dit de concordance

Le modèle de concordance

Le modèle de concordance est le nom donné au scénario qui permet aujourd'hui d'expliquer au mieux l'ensemble des propriétés de l'univers que nous connaissons.

Comme tout modèle, celui-ci est incomplet et présente un certain nombre de zones d'ombre, mais pour autant il n'a pas été mis en défaut par les observations, d'où son nom. On parle aussi de modèle ΛCDM (prononcer "LambdaCDM") pour indiquer ses deux constituants majoritaires, à avoir de la matière noire froide (pour "Cold Dark Matter") et de l'énergie noire, symbolisée depuis Einstein par la lettre grecque Lambda (Λ).

 

Légende : Contraintes en 2008 sur la densité de matière totale Ωm (matière noire + matière ordinaire) et la densité d’énergie noire d’après les observations des supernovae de type Ia (SNe), le rayonnement fossile (CMB) et les ondes acoustiques des baryons (BAO). La notion de “concordance” est fort bien illustrée !

Crédits : M.Kowalski et les autres, http://arxiv.org/abs/0804.4142

 

 

Les paramètres du modèle

Le modèle de concordance décrit le contenu matériel actuel de l'univers, ainsi que les aspects principaux de la distribution de matière telle qu'elle résulte d'une phase très ancienne de l'histoire de l'univers qu'on suppose être l'inflation. Cette phase aurait eu lieu avant même la création de la matière. Les paramètres de l'inflation détermineent la distribution de matière telle qu’on l’observe dans la carte du rayonnement fossile par exemple.

Le contenu matériel de l'univers est lui-même décrit par l'abondance de matière ordinaire, que l'on peut ramener au nombre moyen de protons par mètre cube, et par la densité de matière noire. Cette matière noire est dite "froide" au sens où la vitesse actuelle de déplacement des particules qui la composent est faible devant la vitesse de la lumière (probablement aux alentours de 200 kilomètres par seconde).

A cela s'ajoute un autre paramètre qui est déterminé par une combinaison de l'amplitude de la constante cosmologique (ou de l'énergie noire) et de certaines propriétés géométriques de l'univers. Si ces propriétés géométriques sont standards, alors ce paramètre se réduit à l'amplitude de l'énergie noire, dont on peut alors déduire avec les deux paramètres précédents : la taille et l'âge de l'Univers observable ainsi que sa vitesse d'expansion actuelle, la constante de Hubble.

Enfin, il existe un dernier paramètre qui caractérise l'époque où les premières étoiles se sont allumées. Ce paramètre n'est pas indépendant des autres car cette époque d'apparition des premières étoiles est liée au contenu de l'univers. Mais à l'heure actuelle on ne sait la déterminer précisément du fait de la complexité des processus en jeu.

Le modèle de concordance aujourd’hui

En dépit de sa simplicité, ce modèle de base a prouvé son efficacité en s’accordant à une large gamme d’observations cosmologiques : le rayonnement fossile, la relation distance-luminosité des supernovae de type Ia, les mesures d’oscillations acoustiques des baryons, la distribution des galaxies à grande échelle et le cisaillement gravitationnel.

La cosmologie observationnelle devient au XXIème siècle une science de précision. Ainsi, non seulement les paramètres du modèle de base doivent être estimés avec une erreur de l’ordre de un pour-cent, mais aussi les hypothèses sous-jacentes doivent être validées - ou non ! - avec une grande fiabilité. C’est tout l’enjeu de la mission Planck…

Pour en savoir plus :

Le cadre du modèle

Le modèle de concordance se base sur l'hypothèse que notre univers en expansion contient de la matière ordinaire, du rayonnement, des neutrinos, de la matière noire et de l'énergie noire. La distribution de matière est déterminée par un processus très ancien de l'histoire de l'univers (pouvant être l'inflation).

Dans sa version de base, le modèle de concordance comporte six paramètres décrit dans le tableau ci-dessous.

 


symbole signification information complémentaire
CONTENU Ωb h2 Densité de baryons aujourd’hui H0 = 100 x h km/s/Mpc
Ωc h2 Densité de matière noire froide aujourd’hui Froide = non relativiste depuis longtemps au moment du découplage matière-rayonnement
ϴMC Taille angulaire apparente de l’horizon du son au moment du découplage matière-rayonnement Lié à la constante de Hubble et à la quantité d’énergie noire
FLUCTUATIONS
PRIMORDIALES
nS Indice spectral des perturbations adiabatiques primordiales (défini à l’échelle pivot de 0.05 Mpc-1) Cas strictement invariant d’échelle :
nS = 1
AS Amplitude du spectre des perturbations adiabatiques primordiales (défini à l’échelle pivot de 0.05 Mpc-1)
EVOLUTION τ Épaisseur optique par diffusion Thomson due à la réionisation Une fraction des photons du rayonnement fossile interagit avec les électrons libérés plus tard

Légende : Tableau des six paramètres du modèle de concordance ΛCDM.

 

Les trois paramètres de contenu

L'abondance de rayonnement est déterminée par l'énergie des photons du rayonnement fossile, parfaitement mesurée par le satellite COBE il y a plus de 20 ans. On suppose les neutrinos sans masse (ou de masse négligeable) et leur abondance déterminée par les lois de la physique nucléaire. L'abondance de matière ordinaire et de matière noire est en revanche à déterminer par l'analyse des structures visibles sur la carte. Par convention, la densité n'est pas exprimée en unité usuelle (une densité d’énergie devrait être en joule par mètre cube), mais est exprimée par un nombre sans dimension obtenu en divisant la vraie densité d'énergie par la “densité critique”. Cette densité critique est calculée dans l'hypothèse où la constante de Hubble aujourd’hui vaut exactement 100 kilomètres par seconde et par mégaparsec. Le facteur noté h correspond alors à la constante de Hubble exprimée en unités de 100 km / s / Mpc.

Les deux densités de matière ordinaire et de matière noire sont déterminées via les structures observables sur la carte du rayonnement fossile. La taille des grumeaux de la carte correspondent à des échelles angulaires et non des échelles physiques. Pour passer de l'une à l'autre, on va déterminer la taille angulaire d'une échelle caractéristique appelée horizon sonore : cet horizon correspond à la distance maximale parcourue par une onde sonore entre le Big Bang et la recombinaison, c’est-à-dire le moment où le rayonnement fossile a été émis. L'échelle en question, notée ϴMC, dépend en principe d'une combinaison de la courbure de l'espace et de l'énergie noire, mais la courbure étant nulle dans le modèle de base, seule l’énergie noire, assimilable à une constante cosmologique (toujours dans le modèle de base), intervient et est déterminée par ce biais.

Une courbure nulle implique que la densité totale (matière ordinaire, matière noire, énergie noire) vaut 1 (ou 100%) en unité de densité critique. C’est pourquoi on représente souvent la distribution en énergie sous la forme d’un “camembert”. Attention, il s’agit des densités d’énergie aujourd’hui, et non lors de l’émission du rayonnement fossile par exemple - l’énergie noire comptait alors moins que le rayonnement !

 

Légende: Répartition de l’énergie dans l’univers aujourd’hui en utilisant uniquement les données du rayonnement fossile d’après les résultats de Planck 2013.

 

 

Les deux paramètres de fluctuations primordiales

Il faut ajouter à ces trois ingrédients matériels la description des fluctuations primordiales. Elles sont supposées uniquement décrites par des perturbations dites adiabatiques, c'est-à-dire que le mélange des différentes composantes du fluide cosmique est homogène en tout point, sa densité étant, elle, variable. L'amplitude des perturbations en fonction de leur taille est supposée être décrite par une loi de puissance dont il suffit de connaître l'amplitude, AS, à une échelle donnée (correspondant à environ 125 Mpc) et l'exposant, appelé indice spectral. Pour des raisons historiques, l'exposant intervenant dans cette loi de puissance est (nS - 1) : une valeur de nS égale à 1 correspondant donc à un spectre dit invariant d'échelle.

Il s’agit là du spectre des fluctuations primordiales, avant même la création de la matière. Les modèles d’inflation génèrent des perturbations de courbure primordiales avec différentes valeurs possibles pour nS selon le modèle. Il existe d’autres mécanismes pour produire ces fluctuations. L’étude détaillée de la carte du rayonnement fossile doit permettre de définir le (ou plus probablement les) modèle(s) qui sont acceptables, et ceux qui ne le sont pas. Les théoriciens emplissent la zone possible de nouveaux modèles, alors que les observateurs tentent de la réduire au maximum…

 

Le paramètre d’évolution

Ces cinq paramètres sont sensés décrire à eux seuls le scénario de la formation des structures depuis l'univers primordial jusqu'à nos jours. Cependant, les observations sont légèrement affectées par la réionisation, c'est-à-dire le fait que les atomes formés à la recombinaison se réionisent, vraisemblablement suite à la formation des premières étoiles. La modélisation précise de ce phénomène et notamment la détermination de l'époque à laquelle il se produit est extrêmement complexe, aussi ne sait-on pas les prédire à partir des cinq paramètres ci-dessus. On détermine donc indépendamment de ces derniers l'époque de la réionisation (ou, en pratique, l'opacité intégrée de l'univers depuis cette époque, ce qui correspond à ce qui est effectivement observable), paramètre traditionnellement noté τ.

 

Légende : La transparence de l'univers pour les photons du rayonnement fossile varie considérablement au cours du temps. Elle est nulle avant leur libération, approximativement totale ensuite pendant quelques centaines de millions d'années, puis presque totale car des électrons libres sont à nouveau présents dans l'univers, mais de plus en plus dilués en raison de l'expansion. L’épaisseur optique correspond au nombre d’interactions subies par les photons du rayonnement fossile après leur libération. Suite à ces interactions, les photons ont perdu de l'information sur l'univers primordial - mais en ont gagné sur l'univers à l'époque de la réionisation.

 

 

Les tests de cohérence

Ce modèle à six paramètres est simple, permet historiquement de reproduire de nombreuses observations mais rien ne dit a priori qu'il permet de décrire la réalité dès lors que l’on possède des mesures de plus en plus précises. Aussi les scientifiques envisagent-ils de possibles extensions, ainsi que des tests de cohérence.

La cohérence du modèle est testée avec trois paramètres :

symbole signification valeur de base
YP Fraction de la masse baryonique sous forme d’hélium Nucléosynthèse primordiale
AL Amplitude de l’effet de lentille relative à la valeur physique 1
ΩK Paramètre de courbure aujourd’hui avec Ωtot = 1 - ΩK 0

 

1) les densités d’hydrogène et d’hélium

On peut d'une part mesurer séparément ces densités via leur influence sur le déroulé précis de la formation des atomes. La somme de ces deux densités correspond à la densité de matière ordinaire (les autres éléments étant négligeables), mais le rapport d'abondance entre hydrogène et hélium n'est pas indépendant de leur somme car il dépend des calculs de physique nucléaire issus de la nucléosynthèse primordiale (la formation des noyaux des atomes). On peut d’autre part mesurer “directement” ces densités primordiales. Le test est donc la comparaison entre les valeurs déduites de la carte du rayonnement fossile et celles déduites de la mesure de la densité des éléments issus de la nucléosynthèse primordiale.

2) les distorsions par effet de lentilles gravitationnelles

L'observation de la carte du rayonnement fossile doit tenir compte des légères distorsions imprimées à celle-ci par les inhomogénéités de la distribution de matière dans l'univers récent. Il s'avère possible d'extraire directement de la carte observée une partie de l'information concernant cette distorsion. Mais le modèle cosmologique étant en principe entièrement déterminé, on peut vérifier si la distorsion observée est compatible avec le niveau d'inhomogénéité attendu aux époques ultérieures. En pratique, on procède en laissant libre un paramètre noté AL correspondant au niveau attendu de distorsion (ou à l'amplitude des effets de lentilles gravitationnelles) et en vérifiant qu'il est compatible avec 1.

3) la platitude de l’espace

L'analyse de base est implicitement effectuée dans l'hypothèse où une phase de type inflation (ou autre) est à l'origine de l'homogénéisation de l'univers, ce qui a pour conséquence d'expliquer sa platitude, c'est-à-dire le fait que la géométrie de l'espace est euclidienne. Cette hypothèse est vérifiée a posteriori en autorisant la courbure de l'espace à prendre n'importe quelle valeur et en vérifiant que les données lui préfèrent une valeur nulle.

 

Les extensions au modèle standard

Les extensions envisagées du modèle de concordance concernent les trois catégories des paramètres de base : contenu, fluctuations primordiales et évolution :

symbole signification valeur de base
CONTENU w0 et wa Equation d’état de l’énergie noire w(a) = w+ (1-a) wa -1 et 0
Σmν Somme des masses des neutrinos 0
Neff Nombre effectif de degrés de liberté relativiste de type neutrino 3.046
FLUCTUATIONS
PRIMODIALES
nT Indice spectral des fluctuations tensorielles (défini à l’échelle pivot de 0.05 Mpc-1) Modèle d’inflation
d ns / d ln k Variation de l’indice spectral des perturbations de courbure primordiale 0
r0.05 Rapport du spectre des fluctuations tensorielles sur celui des perturbations de courbure primordiale (défini à l’échelle pivot de 0.05 Mpc-1) 0
EVOLUTION Δzre Durée de la réionisation en unité de décalage vers le rouge 0.5

Légende : Tableau des paramètres d’extension du modèle de concordance ΛCDM.

 

Concenant le contenu matériel de l'univers, on envisage que l'énergie noire puisse être autre chose qu'une constante cosmologique. Le paramètre décrivant sa dynamique, w, donné par le rapport de sa pression à sa densité d'énergie, est autorisé à posséder une valeur différente de -1, éventuellement variable au cours du temps.

Par ailleurs, une plus grande liberté est envisagée dans le fluide de neutrinos. Leur abondance n'est pas nécessairement celle prévue par nos connaissances en physique nucléaire, et l'influence de leur masse non nulle (si elle est suffisamment grande) est envisagée.

La modélisation des fluctuations initiales est plus complète. Les fluctuations de densité sont décrites par un spectre plus riche qu'une simple loi de puissance puisque l'exposant est considéré comme une fonction lentement variable de l'échelle. Par ailleurs, une abondance mesurable d'ondes gravitationnelles est envisagée, leur spectre étant considéré comme décrit par une loi de puissance.

Enfin, la réionisation n'est plus nécessairement supposée instantanée. Un intervalle de temps (donné en terme d'intervalle de décalage vers le rouge) est utilisé pour la modéliser.

 

Pour en savoir plus :

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