La missionPrincipaux apports à la cosmologiePourquoi dit-on que Planck a consolidé le modèle standard de la cosmologie ?
Principaux apports à la cosmologie

Pourquoi dit-on que Planck a consolidé le modèle standard de la cosmologie ?

Vignette : Pourquoi dit-on que Planck a consolidé le modèle standard de la cosmologie ?

 

Les instruments de Planck ont permis de faire des observations qui n’ont de sens que si elles sont ensuite exploitées, interprétées dans un certain cadre théorique donné, par exemple celui du modèle standard de la cosmologie, ou modèle de concordance.

Un modèle est acceptable s’il est capable de reproduire les données, dans la limite de leurs incertitudes.

En pratique, il est bien-sûr impossible de prédire la forme exacte de la carte du rayonnement fossile puisque que celle-ci est déterminée par le processus qui a donné naissance aux fluctuations de densité et qui est de nature aléatoire. Mais de même qu’il est impossible de deviner le futur gagnant d’une élection en interrogeant un seul votant, on peut, à l’aide d’un sondage sur plusieurs personnes, déterminer la tendance générale des intentions de vote. Ici, de la même façon, on ne sait pas prédire, par exemple, à quelle distance se trouve la plus proche voisine d’une galaxie donnée, mais on peut déterminer la valeur moyenne de cette distance en observant un grand nombre de galaxies.

On procède de même avec le rayonnement fossile. On va déterminer quel est l’écart moyen de température entre deux pixels séparés par un écart angulaire donné. On va ainsi raisonner non pas sur les cartes du rayonnement fossile, mais sur ce qu’on appelle les spectres de puissance des fluctuations. Ils sont construits en prenant des paires de pixels qui peuvent provenir de la même carte (auto-spectre) ou de deux cartes différentes (de température et de polarisation par exemple ; on parle alors de spectre croisé). On va dans tous les cas déterminer de quelle façon varie leur écart de température en fonction de leur distance.

 

 

Légende : Sont représentés ici, de haut en bas, l'auto-spectre en température, le spectre croisé température/polarisation, l'auto-spectre en polarisation et le spectre de la distribution de matière. Les points de mesure, avec leurs erreurs, sont en rouge et le modèle d’Univers qui s’ajuste le mieux à ces données, et qui dépend de six paramètres libres (appelés paramètres cosmologiques) est en bleu.

Crédit : ESA - collaboration Planck

 

 

Dans ce cadre, quelles données sont recueillies par le satellite Planck ?

  • Il y a tout d’abord le spectre de puissance en température du rayonnement fossile. Il décrit, dans un langage statistique rigoureux, la granularité que l’on observe sur la carte.
  • Ensuite, il y a le spectre de puissance de la polarisation. La polarisation étant une information à la fois angulaire (on détermine l’orientation de la polarisation) et en amplitude (la polarisation est plus ou moins importante dans cette direction), on effectue une transformation mathématique qui extrait l’amplitude des motifs caractéristiques du champ de polarisation (schématiquement en rond, en étoile ou en spirale) en fonction de leur taille et de leur intensité. On obtient ainsi un spectre de puissance du même type que celui de la température.
  • Si notre compréhension de l’univers primordial est correcte, les données de température et de polarisation ne sont pas indépendantes : la température nous renseigne essentiellement sur la densité de matière dans l’Univers 380 000 ans après le Big-Bang, alors que la polarisation nous renseigne sur les mouvement de matière à cette époque, ceux-ci étant bien-sûr liés à la distribution de matière. On peut s'intéresser au spectre croisé entre ces données. Contrairement à un auto-spectre qui est toujours positif, un spectre croisé peut aussi prendre des valeurs négatives ou nulles. Quand il est nul à une certaine échelle, cela signifie qu’il n’y a aucun lien entre les deux grandeurs comparées (ici, que le champ de vitesse est indépendant du champ de densité, ou que la polarisation est indépendante de la température), alors que s’il est positif, certains motifs d’une taille donnée du champ de polarisation (en rond par exemple) se trouvent principalement au niveau des surdensités de même taille, alors que d’autres motifs (en étoile) sont plus souvent au niveau des sous-densité de même taille. Si le spectre est négatif, alors ce sera l’inverse.
  • L’image que l’on voit du rayonnement fossile est légèrement distordue par le fait que les photons du rayonnement fossile ont vu leur trajectoire déviée par les inhomogénéités de la matière de plus en plus importantes à mesure que l’Univers était de plus en plus âgé. Il est possible d’extraire cette déformation des cartes de température et de polarisation et d’en déduire le spectre de puissance de la distribution de matière intégrée sur toute la ligne de visée, donc sur toute l’histoire de l’univers.

On constate que le modèle, avec le même jeu de six paramètres, reproduit très fidèlement l’ensemble des spectres mesurés, et ce à toutes les échelles angulaires, que ce soit une centaine de degrés (tout à gauche sur les spectres) ou un dixième de degré (tout à droite). Ainsi, ce modèle est fortement consolidé car il permet de reproduire des données à la fois variées et extrêmement précises de l’Univers primordial.

Une fois ce modèle bien déterminé, on peut le contraindre d’une nouvelle façon en regardant comment l’Univers déterminé par les observations du rayonnement fossile va évoluer au cours du temps et ce qu’il va prédire quant à la distribution des galaxies que l’on détermine par d’autres observations télescopiques. Le graphique suivant montre ainsi la confrontation entre les prédictions issues du modèle et un nouveau jeu de données, le spectre de puissance de la distribution des galaxies.

 

 

Légende : Le spectre de puissance de la distribution de matière prédit par les données de Planck avec le rayonnement fossile (courbe noire) comparé aux mesures de ce spectre de puissance par différents programmes dédiés avec les galaxies (SDSS, BOSS et DES).

Crédit : ESA - collaboration Planck

 

 

Plus précisément, voici les données utilisées pour construire ce graphique :

 

Expérience et sonde cosmologique Ce qui est observé Age de l’univers étudié (temps après le Big-Bang)
Planck TT et EE Fluctuations du rayonnement fossile en température et polarisation 380 000 ans
Planck 𝝫𝝫 (potentiel gravitationnel) Distorsion de la carte du rayonnement fossile qui révèle une partie de la distribution des galaxies d’avant-plan 2 à 5 milliards d’années
SDSS LRG Distribution des galaxies rouges très brillantes 9 à 12 milliards d’années
BOSS forêt Ly-𝛼 Distribution des raies d’absorption des quasars qui révèle la distribution de la matière à petite échelle entre les quasars et notre Galaxie 1 à 3 milliards d’années
DES cosmic shear Distorsion gravitationnelle des formes des galaxies 5 à 11 milliards d’années

 

L’accord entre ces observations faites de façon complètement indépendantes est vraiment impressionnant : il est difficile d’imaginer que ce modèle soit un jour à mettre au rebut, même s’il reste possible d’en faire quelques ajustements. On considère même que c’est vraiment une base très solide pour exploiter toutes les observations futures.

On peut remarquer que les erreurs aux plus petites échelles (à droite de la courbe) sont encore assez grandes et que seul le rayonnement fossile a pu être utilisé jusqu’à présent pour tester les très grandes échelles. Le recouvrement entre les différents types d’observation est donc incomplet. Les futurs projets tels que LSST (projet de grand télescope au sol qui cartographiera les galaxies sur près de 45 % du ciel pendant dix ans) et Euclid (satellite de l’ESA lancé dans la prochaine décennie et dédié à la mesure des distorsions des formes des galaxies sur plus de 35% du ciel en 6 ans) devraient permettre des progrès substantiels en testant avec une grande sensibilité l’univers « récent » – dans ce contexte, ces 10 derniers milliards d’années en fait – aux petites échelles et aux grandes échelles. Ainsi, les tensions qui existent actuellement sur certains paramètres se dissiperont ou se renforceront, pour confirmer encore plus fortement ou ajuster le modèle standard de la cosmologie actuel.

 

Bien sûr, les chercheurs de Planck ne se sont pas contentés de vérifier si le modèle standard de la cosmologie était capable de reproduire les observations. Ils ont aussi testé de nombreuses extensions à ce modèle pour voir si l’une d’entre elles rendait compte encore plus fidèlement de ces observations.

La figure ci-dessous correspond aux principales extensions testées et décrites brièvement dans le tableau. La zone d’une certaine couleur indique que ces valeurs des paramètres en abscisse et en ordonnée sont favorisées (plus précisément la bonne valeur à 95% de chance d’être dans la zone claire et 68% de chance d’être dans la zone foncée).

Afin de mieux cerner l’apport décisif de la mission Planck, trois périodes sont considérées : avant WMAP, avec les résultats définitifs de WMAP et avec les résultats définitifs de Planck. Une dizaine d’années séparent chaque étape : l’amélioration observée est donc normale - voire rassurante, mais non moins impressionnante ! Notre capacité à décrire précisément les conditions initiales, le contenu et la dynamique de notre univers a incroyablement progressé.

Les zones rouges indiquent les valeurs autorisées pour les paramètres du modèle standard et les nouveaux paramètres envisagés aujourd'hui. Si la zone rouge est verticale, alors son extension indique de combien le nouveau paramètre peut dévier de sa valeur canonique, celle implicitement fixée dans le cadre du modèle de concordance. Si en revanche la zone rouge est en biais, elle indique de combien il faut varier un des six paramètres usuels pour s’accommoder de la prise en compte du paramètre supplémentaire. Au final, aucune des extensions testées ne semble devoir être privilégiée par rapport au modèle standard de la cosmologie. Naturellement tous les possibles ne sont pas testés. De plus, de petites extensions, selon la largeur des zones claires typiquement, si elles ne sont pas favorisées, sont acceptables car compatibles avec les observations.

Le tableau ci-dessous récapitule les principaux ajouts au modèle de concordance qui ont été envisagés, que l’on peut scinder en plusieurs types : modification des conditions initiales des fluctuations primordiales, modification du contenu de l’Univers, et modification de la dynamique de son expansion sur les cinq derniers milliards d’années.

 

Paramètre supplémentaire Nature Un peu plus précisément…
r Conditions initiales : contrainte sur les modèles d’inflation Indique la présence d’une quantité mesurable d’ondes gravitationnelles primordiales produites lors de l’inflation.
d n_s / d ln k Conditions initiales : contrainte sur les modèles d’inflation Indique des écarts dans la façon dont l’amplitude des fluctuations varie avec leur taille physique par rapport au modèle le plus simple.
𝛼-1 Conditions initiales : amplitude des fluctuations dites isocourbures D’ordinaire, on suppose que la distribution de la matière noire suit, au départ, exactement celle de la matière ordinaire, mais certains modèles d’inflation autorisent que cela ne soit pas le cas. On parle alors de perturbations non adiabatiques, ou de perturbations isocourbures.
𝚺m𝝂 Contenu : somme des masses des neutrinos Diverses expériences de physique des particules indiquent que les neutrinos sont sujet à des oscillations (un neutrino d’un certain type se transforme en un neutrino d’un autre type), ce qui implique, pour des raisons complexes, qu’ils ont une masse. Mais la physique des particules ne peut donner qu’une limite inférieure, très faible, à la somme des masses des trois types de neutrinos, sans déterminer la valeur de cette somme.
Neff Contenu : nombre d’espèces de particules légères De nouvelles particules légères apparaissent dans de nombreuses extensions du modèle standard de la physique des particules. Ce paramètre est relié à la présence de telles particules, neutrinos compris (d’où sa valeur attendue égale à 3), si leur masse est négligeable.
w Dynamique : équation d’état de l’énergie noire Indique si l’énergie noire a des propriétés constantes au cours du temps, ce qui équivaut à ce qu’on appelle une constante cosmologique (w = -1), ou si la densité de l’énergie noire varie au cours du temps, de façon d’autant plus marquée que w est différent de -1.
Ωk Dynamique : courbure de l’espace Indique si l’espace est euclidien, c’est-à-dire soumis aux lois usuelles de la géométrie (où par exemple la somme des angles d’un triangle est égale à 180°).

 

 

Légende : Contraintes sur les paramètres cosmologiques. En abscisse, cinq paramètres du modèle standard de la cosmologie ; en ordonnée : sept extensions possibles de ce modèle. Les bonnes valeurs ont 95% de chance d’être dans les zones claires, 68% de chance d’être dans les zones foncées. Le paramètre τ n’est pas testé car il permet de prendre en compte l’impact de la réionisation mais n’est pas à proprement parler un paramètre fondamental.

Crédit : ESA - collaboration Planck

 

 

Les contraintes par Planck seul sur la dynamique de l’expansion de l’Univers sont limitées, même en prenant en compte l’effet de lentille gravitationnelle car c’est principalement les propriétés de l’Univers jeune qui sont testées. Les contraintes deviennent bien plus fortes si on ajoute des données issues de la distribution spatiale des galaxies.

 

Pour en savoir plus :

Toute l'actualité
Planck JuniorPlanck JuniorEspace EducatifJeuxPlanck ChronoMultimédias
  • L'Univers tel que vu par le satellite Planck
  • Carte des fluctuations du rayonnement fossile
  • Notre Univers observable en température et en polarisation
Tous les médias
AGENCE DE COMMUNICATION - Canopée