Le rayonnement fossile permet de mesurer très précisément la densité de matière noire, de contraindre ses propriétés de façon très compétitive et complémentaire avec d’autres méthodes astrophysiques et de voir plus ou moins précisément selon l’époque comment se distribue cette matière.
La mesure de la densité de matière noire aujourd’hui est stable mais encore plus précise avec les résultats de la mission complète : 31.6 +/- 0.9 % de matière dont 4.92 +/- 0.03% de matière ordinaire.
Comme on connait l’évolution de la densité de chaque type de composant (matière, rayonnement, constante cosmologique) en fonction du temps, on a la répartition des densités à différentes époques.
Les simulations des grandes structures ont à présent des paramètres de densité très précis.
Connaitre l’abondance n’est pas totalement satisfaisant. On voudrait savoir de quoi la matière noire est faite.
Cet exercice est moins général que les précédentes contraintes. Il repose sur des hypothèses plus fortes : il suppose que la matière noire est sous forme de particules produites dans l’univers primordial, qui étaient en équilibre thermodynamique avec les autres constituants avant de voir leur abondance “gelée”. On peut alors montrer que la section efficace d’annihilation des particules de matière noire doit être d’environ 3.10-26 cm3/s d’après la densité mesurée. Que peut-on dire sur la masse de ces particules ?
La physique des particules proposait un candidat “naturel” avec le WIMP mais les contraintes sur la supersymétrie apportées par le LHC ont nettement refroidi les ardeurs. Les recherches de détection directe de passage d’une particule de matière noire dans un détecteur terrestre sont pour l’instant vaines. La détection indirecte est une autre voie : en s’annihilant (ou éventuellement en se désintégrant) les particules de matière noire injectent de l’énergie dans le milieu. On peut alors détecter des photons de haute énergie (avec Fermi notamment), des anti-particules (avec AMS par exemple) ou un changement dans les propriétés statistiques de la carte du rayonnement fossile (avec Planck bien-sûr).
Les satellites Fermi et PAMELA ainsi que l’expérience sur la station spatiale internationale AMS-02 ont détecté un signal en excès par rapport à ce qui était attendu - en photons pour le premier, en positrons (= anti-électrons) pour les suivants. Le signal positronique peut s’expliquer soit par une source astrophysique non considérée (des pulsars), soit par de l’annihilation (ou de la décroissance) de matière noire. Les mesures précises d’AMS requièrent des particules de matière noire aux propriétés plutôt exotiques - mais on peut s’attendre à des étrangetés de la part de ces particules… Le signal photonique peut s’expliquer soit par des pulsars, soit par de l’annihilation de matière noire mais les propriétés requises sont assez différentes en terme de masse (quelques 1012 eV pour les positrons, quelques 1010 eV pour les photons notamment).
Que nous dit le rayonnement fossile ? L’annihilation de matière noire injecte de l’énergie qui va ioniser les atomes : l’effet est similaire à celui d’une réionisation très précoce et très douce. Les contrastes en température vont légèrement diminuer mais cet effet est identique à celui d’un spectre primordial plus doux. Mais en parallèle un signal en polarisation scalaire va être injecté aux échelles angulaires de quelques degrés - alors que la réionisation se produit sur des échelles de plusieurs dizaines de degrés car elle est plus tardive.
Ainsi les résultats de Planck de 2014 permettent de contraindre le couple masse / section efficace de la matière noire - en supposant que la section efficace est la même à l'époque de l'émission du rayonnement fossile et aujourd'hui, ce qui est le cas “standard”. Cette limite défavorise très fortement l’explication des mesures d’AMS-02, de Fermi ou de PAMELA par un signal de matière noire.
La carte en température du rayonnement du rayonnement fossile traduit directement la densité de matière : elle nous montre avec une grande précision où était la matière environ 380 000 ans après le Big-Bang.
L’effet de lentille gravitationnel déforme (très légèrement) la carte du rayonnement fossile. On ne connait pas la carte originelle mais on connait ses propriétés statistiques. On peut donc retrouver la distribution de masse qui doit être responsable des déformations observées.
L’effet de lentille non seulement déplace la position apparente des fluctuations mais modifie la distribution des angles de polarisation des photons. Ainsi une partie du signal en modes scalaires est transformée en signal en modes tensoriels, et ce à des échelles angulaires en-deçà du degré. Affectant uniquement les moyennes et petites échelles angulaires, ce signal est bien distinct d’un éventuel signal primordial produit par les ondes gravitationnelles générées lors de l’inflation.
En 2014, grâce à la polarisation, on mesure un signal en modes B de quelques degrés à une dizaine de minutes d’arc, ce qui permet de caractériser la distribution de masse projetée sur plus de 10 milliards d’années basée sur la température et sur la polarisation.
Spectre de puissance angulaire des modes B (tensoriels) du rayonnement fossile. Pour Planck et SPT, le signal est estimé par corrélation entre les données Planck de polarisation et une estimée de la distribution de matière dans l’univers fournie par des mesures du fond diffus infrarouge. Cette méthode n’est sensible qu’à la polarisation B engendrée par l’effet de lentille gravitationnelle et ne permet pas d’accéder à la polarisation B primordiale. Pour les expériences BICEP2 et POLARBEAR les données présentées sont issues d’une mesure directe des modes B de polarisation, incluant une éventuelle contribution des ondes gravitationnelles primordiales.
ESA - collaboration Planck
Résultat préliminaire
Revenons en détails sur le schéma contraignant la nature de la matière noire.
Légende : Schéma des contraintes apportées par diverses expériences sur le produit (section efficace x vitesse) et la masse de la particule de matière noire. La zone bleue est exclue par Planck 2014 à 95 % de niveau de confiance, le trait jaune indique quelle partie était déjà exclue par WMAP 9 ans. La ligne pointillée verte montre la sensibilité ultime d'une expérience mesurant le rayonnement fossile avec la même résolution angulaire que Planck. La bande rouge correspond aux modèles avec une densité relique thermique. Les cercles gris foncé indiquent les valeurs préférées d'après les excès de rayonnement cosmique mesurés par Pamela/AMS-02/Fermi. Les étoiles gris clair montrent les modèles de matière noire qui s'ajustent au mieux à l'excès mesuré par Fermi en direction du centre Galactique. Les zones hachurées illustrent les incertitudes d'origine astrophysique sur ces calculs.
Crédits : ESA- collaboration Planck
Résultat préliminaire
On constate que Planck a largement éliminé l'explication matière noire pour le cas AMS-02/Fermi/Pamela dans le cadre d'hypothèses "classiques". Il fallait cependant faire appel à des modèles assez exotiques car situés loin de la bande rouge. En revanche Planck, ni même un successeur plus sensible, ne peut voir l'effet d'une particule plus légère qui serait en bon accord avec les observations de Fermi.
La matière noire requiert de nombreuses expériences complémentaires : il faut l'attaquer de tous côtés pour espérer en venir à bout, un jour.
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