La carte du rayonnement fossile réalisée par la mission satellite Planck de l’ESA nous raconte l’histoire de l’Univers, ce qui s’est passé juste après le Big-Bang et durant les milliards d’années suivants.
Légende : 10-32 seconde après le Big-Bang, l’Univers aurait achevé une phase très brève de dilatation gigantesque appelée inflation. Les infimes fluctuations, naturellement présentes avant cet épisode, seraient devenues alors macroscopiques. Ces “graines” ont grandi et sont devenues des concentrations de matière noire et de matière ordinaire. Le rayonnement fossile témoigne de cette évolution. Ces jeunes structures portées par un espace plat (c’est-à-dire dire où les lois de la géométrie euclidienne sont valides) en expansion poursuivent leur croissance et deviennent de plus en plus complexes sous l’action de la gravité jusqu’à former notre paysage cosmique actuel.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Ce paysage, notre univers proche, est très contrasté : la toile cosmique est une architecture faite de galaxies et de filaments évanescents. En revanche, du Big-Bang à l’émission du rayonnement fossile moins de 400 000 ans plus tard, l’Univers était incroyablement uniforme et les futures structures n’étaient encore que d'infimes fluctuations dans un milieu très homogène dont on peut suivre mathématiquement l’évolution.
Le rayonnement fossile est ainsi irremplaçable. C’est la meilleure source d’informations sur l’univers primordial. De plus, la physique qui relie les fluctuations de la carte du rayonnement fossile à l’histoire et au contenu de l’Univers est simple et fiable.
Avant la matière, il y avait vraisemblablement l’inflaton. C’est un champ scalaire, comme le boson de Higgs récemment découvert au LHC. C’était alors l’unique substance que contenait l’Univers. En partant des détails de la carte du rayonnement fossile, on peut remonter le temps jusqu’à la fin de la domination de l’inflaton, lorsque l’Univers achevait sa phase d’expansion accélérée - appelée inflation. C’était environ 10-32 seconde après le Big-Bang. Planck contraint fortement la façon dont cet inflaton a dû se comporter durant l’étirement produit par l’expansion de l’Univers pour engendrer les fluctuations que nous observons. Le modèle d’inflation le plus simple est en accord avec ces limites alors que de nombreux modèles plus compliqués doivent être abandonnés. De façon remarquable, l’observation du rayonnement fossile permet de connaître l’Univers très longtemps avant que ce rayonnement soit émis.
Légende : Les zones colorées sont autorisées par les données actuelles, celles de Planck jouant un rôle essentiel, alors que les différents traits correspondent aux prédictions de divers modèles d’inflation (du gros au petit point dans une même couleur, on diminue la durée de l'épisode d'inflation). Des modèles sont exclus, d’autres modèles restent possibles avec des contraintes sur comment s’est déroulée la phase d’inflation.
Crédits : ESA - collaboration Planck
La polarisation témoigne du mouvement coordonné de la matière à l’époque de l’émission du rayonnement fossile. La part polarisée ne représente qu’un pour-cent environ du signal du rayonnement fossile, c’est pourquoi il faut encore quelques mois de travail aux chercheurs pour en extraire de façon fiable tous les secrets. S’il est trop tôt pour analyser les cartes de la partie polarisée du signal, on peut en revanche déduire des observations en température ce que l’on s’attend à observer en polarisation et le comparer à ce qu’on observe effectivement. C’est un moyen particulièrement puissant pour tester la validité du modèle de concordance avec les paramètres cosmologiques obtenus par la collaboration Planck. En effet, si le modèle sous-jacent est faux ou incomplet, il est possible de trouver un jeu de paramètres cosmologiques qui s’accorde avec les données en température, mais ces paramètres ne donneront pas un accord satisfaisant avec les données en polarisation. Ici l’accord semble parfait…
Crédits : ESA - collaboration Planck
En utilisant les cartes obtenues par Planck et les résultats d’expériences au sol à très haute résolution angulaire, l’étude du rayonnement fossile permet d’obtenir un jeu de paramètres précis associé au “modèle de concordance”. La fiabilité est accrue, le cadre est conforté, les paramètres sont affinés.
Supposons une expansion exponentielle de l’univers. On aurait alors un paramètre de Hubble (égal à la dérivée du facteur d'échelle divisée par le facteur d'échelle) constant au cours du temps : la vitesse de croissance de la taille des mailles de l’espace-temps serait en effet exactement proportionnelle à la taille des mailles. On peut montrer qu’on obtiendrait alors une distribution de la taille des fluctuations strictement invariante d’échelle. Une puissance égale à toutes les échelles, des plus petites aux plus grandes fluctuations, se traduit par ns = 1.
Qu’observe-t-on avec Planck ? Les fluctuations de température de la carte du rayonnement fossile correspondent à ns = 0.9616 (on est sûr à 95% que ns est compris entre 0.9472 et 0.9760). Cette valeur incompatible avec 1 implique une évolution du paramètre de Hubble au cours de l’inflation, qui elle-même implique un roulement du champ le long de son potentiel. La valeur est cependant proche de 1, c’est pourquoi on parle de roulement lent.
Grâce à la précision obtenue sur les valeurs des paramètres cosmologiques, nous pouvons sonder la dynamique de la période inflationnaire. Planck permet de “voir” plus de trois décades en taille de fluctuations initiales (correspondant aux multipoles de 2 à 2500) et, par exemple, aucune indication d’une variation de la valeur de ns en fonction de la taille des fluctuations n’a été détectée. Cette régularité implique que la période d’inflation s’est achevée de façon progressive et non brutale, du moins aux échelles accessibles avec le rayonnement fossile.
Le modèle d’inflation “naturelle”, initialement motivé par une origine uniquement liée à une brisure de symétrie, est représentée par la bande violette sur le schéma de la page “averti”. De gauche à droite, on augmente la durée de la phase d’inflation, de bas en haut on augmente l’énergie du champ associé à l’inflation, ce qui se traduit par un changement dans la pente du potentiel que suit l’inflaton (l’applet sur l’inflation permet de “voir” ce qui se passe). Une énergie inférieure à la masse de Planck, correspondant à la partie gauche de la bande, est exclue à 95 % dans le cadre de ce modèle.
Des dizaines de modèles d’inflation étaient, avant Planck, compatibles avec les observations. Planck dégage très largement le champ des possibles et favorise de façon significative le modèle… le plus simple ! Les fluctuations qui ont pour origine les perturbations de la courbure sont déjà bien caractérisées par la carte de la température du rayonnement fossile. Notre connaissance sur ces perturbations de courbure et sur les fluctuations tensorielles, celles produites par le passage des ondes gravitationnelles générées pendant l’inflation, devrait être fortement améliorée avec les résultats de Planck sur la polarisation en 2014. On pourra alors encore mieux connaître comment s’est déroulée l’inflation.
L’étude du spectre des fluctuations n’est pas la seule façon de contraindre l’univers primordial, l’étude de la carte des fluctuations dans la carte du rayonnement fossile est aussi essentielle. L’inflation prédit des fluctuations gaussiennes au premier ordre. Divers modèles d’inflation, fermement ancrés dans la physique théorique moderne, prédisent cependant diverses formes de non-gaussianité détectable. A l’inverse, une détection de non-gaussianité locale signerait l’élimination des modèles d’inflation “simples” car les fluctuations doivent être purement adiabatiques - le niveau de non-gaussianité attendu étant bien en-deçà de ce qu’on peut espérer détecter, même avec Planck. Des modèles alternatifs pour générer les fluctuations prédisent eux un niveau de non-gaussianité a priori détectable.
La gaussianité des fluctuations du rayonnement fossile peut être testée très précisément d’après la carte de Planck. Plusieurs méthodes mathématiques complexes, validées sur de nombreuses simulations, donnent leur verdict : aucune non-gaussianité n’est détectée, les limite sont très sévères, deux à trois plus contraignantes que les limites extraites de la carte de WMAP.
Les modèles d'inflation simples se satisfont de ce résultat, mais ça n'est pas le cas de certains modèles plus compliqués. Par exemple, un scénario fort étudié appelé "univers ekpyrotique" prédit que l'inflation est remplacée par un processus physique plus complexe, qui produit des fluctuations d'un niveau de non-gaussianité significatif. Les contraintes strictes obtenues par la collaboration Planck défavorisent fortement les modèles ekpyrotiques/cycliques qui exigent un niveau de non-gaussianité qui était marginalement compatible avec les résultats de WMAP, qui n’est plus compatible avec les résultats de Planck.
La collaboration Planck mesure la vitesse d’expansion de l’espace avec une précision de 2 % à partir de ses seules mesures. Ce résultat s’obtient en combinant la distribution de la matière moins de 400 000 après le Big-Bang, directement visible sur la carte du rayonnement fossile, à la distribution de matière il y a quelques milliards d’années, déduite des déformations de cette même carte.
Le rayonnement fossile et la distribution des galaxies à grande échelle (données du Sloan Digital Sky Survey) sont parfaitement en accord, ce qui conforte a posteriori le modèle d’évolution des structures. En revanche, s’il n’y a pas de désaccord fondamental, une tension existe avec la vitesse d’expansion mesurée avec les Cépheïdes ou les supernovæ.
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