La carte de la température du rayonnement fossile, réalisée par la mission satellite Planck de l’ESA, est “brouillée” par la présence de toutes les galaxies. L’effet est extrêmement faible, mais aussi particulièrement précieux.
Toute la matière présente entre nous et le rayonnement fossile a dévié la trajectoire de la lumière primordiale. Loin d’être un défaut, cet effet se révèle un outil unique pour tracer la distribution de matière sur une large partie du ciel.
Le brouillage est produit par ce qu’on appelle l’effet de lentille gravitationnelle. Les lois de la gravitation relativiste enseignent que la matière attire la matière, mais dévie aussi la trajectoire de la lumière. En fonction de la masse rencontrée sur son trajet, une région du rayonnement fossile va apparaître tantôt grossie, tantôt amoindrie, souvent déformée dans la carte faite par Planck.
Le brouillage est produit par ce qu’on appelle l’effet de lentille gravitationnelle. Les lois de la gravitation relativiste enseignent que la matière attire la matière, mais dévie aussi la trajectoire de la lumière. En fonction de la masse rencontrée sur son trajet, une région du rayonnement fossile va apparaître tantôt grossie, tantôt amoindrie, souvent déformée dans la carte faite par Planck.
L’effet individuel produit par une galaxie est bien trop faible pour être détectable, mais la somme des effets produits par toutes les galaxies l’est. On peut ainsi mettre en évidence l’altération de l’image originelle, et en déduire, pour la première fois sur plus des deux tiers de la sphère céleste, la quantité de matière moyenne dans chaque direction.
Les photons du rayonnement fossile suivent une trajectoire affectée par la présence des concentrations de matière.
Crédits : ESA - collaboration Planck
L’effet individuel produit par une galaxie est bien trop faible pour être détectable, mais la somme des effets produits par toutes les galaxies l’est. On peut ainsi mettre en évidence l’altération de l’image originelle, et en déduire, pour la première fois sur plus des deux tiers de la sphère céleste, la quantité de matière moyenne dans chaque direction.
Grâce à sa haute résolution et à sa sensibilité sans précédent, Planck ne se contente pas de détecter l’effet de lentille gravitationnel sur le rayonnement fossile, il en fait un outil de cosmologie observationnelle à part entière.
Légende : Carte du « potentiel gravitationnel » obtenue d’après les déformations de la carte à la fréquence de 143 GHz de Planck-HFI. Chaque partie représente environ un tiers de tout le ciel, centrée sur le pôle nord ou le pôle sud galactique.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Si les canaux à basses fréquences de Planck-HFI détectent surtout le rayonnement fossile, ceux à hautes fréquences détectent essentiellement l’émission thermique des nuages de gaz où se forment les étoiles. Dans notre Voie Lactée, mais aussi dans les milliards d’autres galaxies ... Certes, on n’isole pas chacune de ces galaxies, mais leur ensemble constitue un fond extragalactique qui présente des fluctuations : l’émission de ce fond est plus intense là où les galaxies lointaines sont plus nombreuses. La matière qui brouille la carte du rayonnement fossile est a priori liée aux galaxies. La qualité des cartes de Planck-HFI est telle que l’on peut non seulement vérifier l’hypothèse mais aussi, par exemple, estimer la distance des galaxies qui agissent comme lentilles gravitationnelles.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Si l’émission thermique témoigne de l’activité stellaire, donc de la matière ordinaire, l’effet de lentille est produit par toute la matière, donc essentiellement par la matière noire. Il y a ainsi un trésor à exploiter dans ces observations pour mieux comprendre les grandes structures de notre univers qui se sont constituées il y a dix milliards d’années.
La matière déforme localement l’espace et les photons du rayonnement fossile se déplacent dans cet espace déformé. Le potentiel gravitationnel traduit l’importance de cette déformation. Pour connaître l’altération par effet de lentille gravitationnel on doit comparer l’image observée à l’image originelle - à laquelle nous n’avons pas accès ! Mais le modèle cosmologique nous dit ce que devrait être cette image originelle. C’est pourquoi les deux études sont étroitement liées : paramètres cosmologiques du modèle d’Univers et reconstruction de la carte du potentiel gravitationnel.
On ne détecte que la somme de tous les effets qui se sont produits le long de la ligne de visée. Pour des raisons géométriques, l’effet optique est maximal si la lentille se place à mi-chemin entre la source et l’observateur. Or c’est justement là que les galaxies ont commencé à être nombreuses et massives ! C’est pourquoi, même si on détecte un effet moyen, on peut considérer qu’il est en grande partie produit par les grandes structures qui se sont formées il y a 10 milliards d’années environ.
Légende : Carte du potentiel gravitationnel obtenue d’après les déformations de la carte du rayonnement fossile de Planck sur 90% du ciel. La zone grise correspondant à notre Voie Lactée : son émission nous empêche de voir les déformations du rayonnement fossile derrière elle.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Cette carte du potentiel gravitationnel est, comme chacune des cartes livrées par la collaboration Planck, une référence à long terme pour toute la communauté astrophysique et cosmologique. Aucune couverture complète du ciel ne sera faite à ces fréquences avant les quinze ou vingt prochaines années. Il ne s’agit en revanche pas d’une mesure “finale” comme pour la carte du rayonnement fossile : le signal reste très bruité et une plus haute résolution serait bénéfique pour l’observation des déformations de cette carte.
En attendant, l’exploitation scientifique de la carte du potentiel gravitationnel ne fait que commencer…
En regardant dans une direction donnée, Planck voit aussi la lumière issue d'innombrables galaxies qui s'accumule depuis le début de la formation des galaxies. Ce rayonnement, appelé fond diffus extragalactique infrarouge est un témoignage direct de la vie tumultueuse des galaxies. Planck observe en fait des variations dans ce rayonnement (appellées fluctuations) puisque les galaxies ne se répartissent pas uniformément sur le ciel mais ont tendance à s'agréger dans les surdensités de matière noire. Ces fluctuations du fond infrarouge sont donc un traceur de la formation des galaxies. L'originalité des mesures de Planck est de permettre de faire enfin le lien entre l'émission des galaxies (via ces fluctuations) et les surdensités de matière (via les cartes de potentiel gravitationnel).
Il est très difficile de mettre simplement en évidence la corrélation entre fond diffus infrarouge et potentiel gravitationnel car le signal dans chaque direction est très faible. La technique usuelle est alors de superposer un grand nombre de cartes correctement centrées : le signal d’origine astrophysique s’additionne alors que le bruit se moyenne.
Légendes : Cartes de 1 degré carré des canaux à 545 GHz et 857 GHz de Planck-HFI réalisées en superposant les zones centrées sur les 20 000 pics les plus brillants (gauche), les plus sombres (milieu) ou choisies aléatoirement (droite, pour s'assurer que la méthode n'induit aucun effet systématique). Les couleurs traduisent l’intensité de l’émission du fond diffus infrarouge, les flèches tracent par leur longueur et leur direction la déflection par effet de lentille sur le rayonnement fossile.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Cette étude a été menée sur les cartes du potentiel gravitationnel extraites des cartes à 100, 143 et 217 GHz de Planck-HFI et sur les cartes du fond extragalactique infrarouge extraites des six canaux en fréquence de Planck-HFI. On dispose ainsi d’un traceur intégré sur toute la ligne de visée de la quantité de matière totale et d’un traceur de la matière baryonique dominé par des galaxies à certaines distances - plus les galaxies sont lointaines, plus le signal va être décalé vers le rouge, donc vers les basses fréquences.
La physique en jeu est beaucoup plus complexe que celle qui relie le rayonnement fossile aux paramètres cosmologiques ! Il est question ici de liens étroits entre matière noire et matière baryonique, et en particulier des processus complexes de refroidissement de la matière traditionnelle tombant dans les puits de potentiel gravitationnel. L'efficacité de ces processus dépend de divers facteurs. Un élément essentiel est la composition du gaz : est-il primordial (hydrogène et hélium) ou enrichi en éléments plus lourds (carbone, oxygène, etc) issus de la formation de premières générations d'étoiles ? Un autre facteur est sans doute l’échelle à laquelle ce refroidissement a lieu, avec certainement un rôle important du champ magnétique et de la turbulence qui en dépend. Sont également impliqués la physique de la formation d’étoiles, la physique d’enrichissement des nuages de gaz en éléments atomiques plus lourds et le comportement des étoiles en fin de vie : supernovae qui explosent ou vents stellaires qui dispersent la matière. On peut néanmoins suivre l’évolution des structures et les caractériser grâce à un modèle d’évolution des galaxies formant beaucoup d'etoiles (via leur traceur spectral de l’émission thermique des poussières dans les galaxies) et un modèle d’occupation du halo de matière noire par les galaxies.
Les premiers résultats obtenus par la collaboration Planck sont que l’ensemble des observations est cohérent avec un modèle de halo simple, d’une masse typique de 400 milliards de fois la masse du Soleil avec des contraintes sur le taux de formation d’étoiles au cours des 10 premiers milliards d’années.
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