Le satellite reçoit le signal du rayonnement fossile, celui de sources extragalactique, celui de notre Galaxie. Mais en premier lieu, le satellite Planck est dans le système solaire et reçoit donc la lumière de son environnement immédiat. S’il ne voit jamais le Soleil, la Terre ou la Lune qui restent “derrière lui”, il reçoit néanmoins de la lumière du système solaire. Et notamment l’émission zodiacale.
Beaucoup de gens ont entendu parler de la “lumière zodiacale” qui est produite par la réflexion de la lumière du Soleil sur les petites poussières présentes dans notre système solaire - exactement comme la Lune nous renvoie cette même lumière du Soleil. Si vous êtes dans un lieu sans pollution lumineuse, cette lumière diffuse peut parfois se voir à l’oeil à l’aube ou au crépuscule.
Mais l’”émission zodiacale”, elle, est l’émission thermique de ces poussières car elles sont aussi chauffées par la lumière du Soleil : elles réfléchissent une partie de la lumière solaire, en absorbe l’autre partie. Ce rayonnement est alors essentiellement dans l’infrarouge et non plus dans le visible.
Crédits : NASA, Canopée
L’émission zodiacale a ainsi été cartographiée par des satellites sensibles en infrarouge. On sait aujourd’hui que cette source de lumière domine une grande partie du ciel dans presque tout le domaine infrarouge. Cette émission zodiacale correspond à la large bande horizontale ci-dessous.
Légende : Cartes dans l’infrarouge en coordonnées écliptiques (le plan du système solaire est à l’équateur) réalisées avec les données de l’instrument DIRBE à bord du satellite COBE. De haut en bas, carte à 12, 25 et 100 μm de longueur d’onde. L’émission zodiacale est visible comme une large bande horizontale autour de l’équateur écliptique, plus ou moins marquée selon la longueur d’onde. Le plan de la Galaxie apparait comme le signal en fer à cheval dans ce système de coordonnées.
Crédits : NASA - COBE
De récentes études de l’émission zodiacale nous ont permis de mieux connaitre la répartition de la poussière dans notre système solaire : où est-elle ? en quelle quantité ? Nous savons à présent que la luminosité de l’émission zodiacale est maximale autour de 20 microns (2 millièmes de centimètre), et devient de plus en plus faible quand la longueur d’onde augmente, comme on le constate sur les cartes de COBE-DIRBE.
Ce n’est pas facilement directement visible sur ces cartes, mais plusieurs composantes constituent la poussière zodiacale. L’essentiel de ce que nous voyons est appelé “Nuage diffus” - un nuage de poussière sans forme particulière. Mais il y a également un certain nombre de “bandes” de poussière. On peut en deviner deux ou trois sur la carte du haut.
Les “bandes” ont été découvertes par le satellite européen IRAS (InfraRed Astronomical Satellite). On pense que ce sont des résidus de collision d'astéroïdes ... Imaginons un choc entre deux astéroïdes : des petits morceaux, des brisures, des poussières sont ainsi éjectés. Comme une partie de ces particules de poussière se déplace plus vite que les autres, toute l’orbite des astéroïdes originels se trouve remplie de poussière après quelques dizaines de milliers d’années. Au cours du million d’années suivant, les passages répétés à proximité de Jupiter transforment l’anneau en un cylindre. Nous voyons les bords de ce cylindre de poussière comme des paires de “bandes zodiacales”.
Il y a aussi un anneau appelée circumsolaire (donc autour du Soleil) et même une marque créée par le passage de la Terre dans ce nuage.
Si Planck ne “voit” pas assez cet anneau circumsolaire et la trace terrestre en raison de sa position dans le système solaire, il peut en revanche nous apprendre des choses sur les Bandes.
Les cartes de Planck-HFI en coordonnées écliptiques sont sur la colonne de gauche. Il est vraiment difficile de voir directement les Bandes sur ces cartes. On utilise une méthode statistique basée sur la stratégie d’observation du satellite pour estimer le signal des différentes composantes de l’émission zodiacale. On obtient alors les six cartes de la colonne de droite : c’est le signal zodiacal estimé par cette méthode dans chaque “couleur”.
Légende : Cartes de la température de 857 à 100 GHz de Planck-HFI (colonne de gauche) et cartes de l’émission zodiacale extraite statistiquement de ces données (colonne de droite). Les cartes sont en coordonnées écliptiques (le plan du système solaire est à l’équateur). Le contraste en couleur est naturellement très poussé pour les cartes zodiacales.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Le point principal à retenir est que l’émission zodiacale dans sa globalité est bien moins visible dans les données de Planck-HFI que dans celles de COBE-DIRBE ou d’IRAS. On ne voit pas les mêmes composantes. En particulier le Nuage diffus est bien visible en infrarouge alors que Planck observe clairement les Bandes.
La taille des particules détermine la plus grande longueur d’onde qu’elles peuvent émettre. Les particules du Nuage diffus ont une taille de quelques dizaines de microns (soit quelques millièmes de centimètre). Elles ne peuvent donc émettre de lumière dans le domaine des détecteurs de Planck (857 GHz correspond déjà à 350 microns, 545 GHz à 550 microns…).
L’explication est donc que les particules des Bandes sont plus grandes que celles du Nuage diffus : elles ont des tailles plus importantes, au moins quelques centaines de microns et donc peuvent rayonner aux longueurs d’onde détectables par les bolomètres de Planck-HFI.
C’est très cohérent avec les hypothèses sur l’origine de ces Bandes. Si ces dernières résultent bien de collisions “récentes” d'astéroïdes, les constituants devraient être plus gros que ceux du Nuage, plus ancien, qui a subit bien plus de chocs internes ayant continué le processus de fragmentation.
Ce schéma illustre comment on comprend la formation d’une paire de bandes centrées sur le plan de l’écliptique à partir d’une trajectoire “simple”.
Légende : Modèle de formation de la bande de poussière à 17 degrés de part et d’autres du plan galactique. Petit à petit un cylindre se forme et la poussière se concentre sur les bords. Cette bande-ci se nomme est très peu lumineuse et est incomplète (âge ~ 220 000 ans), elle est trop faible pour être vue par Planck. La modélisation s’applique néanmoins aussi aux autres bandes pour son principe.
Crédits : Science direct, article de Espy et al., 2009
Le ciel que voit Planck est “fixe” : à l’échelle des quelques années d’observation, les galaxies, les fluctuations du rayonnement fossiles sont immobiles, leur position et leur luminosité sont constants. Mais cette “immobilité” n’est valable que pour les sources suffisamment loin de Planck, elle n’est pas vrai pour les objets du système solaire.
Les objets ponctuels (planètes, astéroïdes ...) sont masqués au niveau des données en temps. Ainsi les mesures qui contiennent leur signal ne sont pas utilisées pour construire les cartes. Si non, on aurait cinq Jupiter dans la carte de la mission complète…
En ce qui concerne l’émission zodiacale, on utilise cette variabilité pour séparer le signal extrasolaire constant du signal interplanétaire variable. Selon l’orientation du satellite dans sa trajectoire, les détecteurs reçoivent plus ou moins de lumière des poussières interplanétaires, comme c’est illustré sur ce schéma :
Légende : Représentation (très) schématique de la géométrie des observations de Planck qui illustre pourquoi le satellite ne “voit” pas toujours la même quantité d’émission zodiacale. On suppose qu’il n’y a pas de contribution à l’émission zodiacale au-delà de l’orbite de Jupiter et la poussière interplanétaire est dans la bande orange. La petite bande grise épaisse sert d’étalon pour comparer la quantité de poussières sur la ligne de visée. Cas a) : la phase de la cycloïde suivie par le satellite est telle que, pour ces deux observations “identiques” (soit dans la même direction) à quelques mois d’écart, une quantité équivalente de poussière est présente sur la ligne de visée. Cas b) : au contraire la phase de la cycloïde suivie par le satellite est telle que, pour deux observations une quantité différente de poussière est présente sur la ligne de visée (un peu moins ou un peu plus que notre mesure-étalon).
Crédits : ESA - collaboration Planck
L’écart est faible dans le cas b), il faut donc une étude statistique délicate pour extraire ce signal. Mais non seulement c’est possible, mais c’est même indispensable pour avoir des cartes par fréquence “propres”, en particulier si on veut étudier notre Galaxie ou le fond diffus infrarouge. La collaboration a livré des cartes par fréquence “brutes” ainsi que des cartes corrigées de l’émission zodiacale.
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