Le résultat le plus emblématique de Planck est la carte sur tout le ciel du rayonnement fossile. Mais en fait ce n’est pas celle qui est à la base de l’estimation des paramètres cosmologiques…
Plus d’un millier de cartes sont calculées : par fréquence ou par détecteur, sur toute la mission ou par relevé (soit une période de 6 mois correspondant à une couverture quasi-totale du ciel), avec toutes les mesures ou seulement une mesure sur deux par exemple. Toutes ces cartes jouent un rôle dans la détermination des paramètres cosmologiques. Elles permettent d’estimer la carte du ciel micro-onde mais surtout l’incertitude sur cette carte. Avoir de multiples moyens d’estimer les paramètres permet de tester la robustesse des résultats. C’est essentiel quand le signal devient de plus en plus faible, comme c’est le cas avec la polarisation.
La comparaison entre un jeu de données et un modèle se base sur une fonction mathématique, la vraisemblance, qui permet d’estimer l’adéquation entre un modèle et son jeu de paramètres et les données. On cherche, dans le cadre d’un modèle décrivant à la fois la physique du rayonnement fossile, mais aussi l’instrument Planck, quel est le jeu de paramètres qui maximise cette fonction de vraisemblance et correspond donc à la meilleure représentation de l’univers. On peut ainsi comparer les modèles entre eux.
Dans le cadre du modèle standard cosmologique, six paramètres suffisent. L’estimation de ces paramètres est d’autant plus facile que ceux-ci sont plus indépendants, c’est à dire que leurs actions respectives sur le modèle sont les plus différentes possible. C’est pourquoi ce ne sont pas toujours exactement les paramètres les plus facilement compréhensibles mais ceux décrits dans la page modèle de concordance (partie expert) qui sont ajustés. H0, ΩDM, Ωb sont déduits de ces paramètres.
Les cartes du ciel ne contiennent pas que du rayonnement fossile. Les zones les plus “contaminées”, c’est-à-dire dans la région du plan galactique et autour des sources ponctuelles, sont masquées : on ne cherche pas à caractériser le rayonnement fossile là où il est trop mêlé à des photons venant de notre Galaxie ou d’autres galaxies - même si on est capable de le “voir” sur plus de 90% du ciel.
Légende : Carte de la température du rayonnement fossile d’après les données Planck 2015. Le trait gris délimite le masque utilisé pour le calcul de la vraisemblance en température, il couvre 7% de la surface du ciel. Cette petite zone, non utilisée pour l’interprétation cosmologique des données, a été remplie avec des outils mathématiques d’après les propriétés statistiques de la carte. Le masque utilisé pour les données polarisées est sensiblement plus large.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Mais il reste toujours des photons qui ne viennent pas du rayonnement fossile : fond diffus infrarouge, amas de galaxie trop faibles pour être identifiés... Le modèle décrivant les données doit inclure ces avant-plans astrophysiques et le jeu des paramètres nécessaire est enrichi de ces paramètres de « nuisances » qui vont décrire tout ce qui ne nous intéresse pas mais est présent dans les données. Il en va de même pour les effets instrumentaux, que l’on modélise et qui eux aussi augmentent la liste des paramètres de nuisance. Ainsi 12 paramètres permettent de modéliser les émissions d’avant-plans alors que 3 paramètres caractérisent les incertitudes sur l’étalonnage des détecteurs les uns par rapport aux autres. Le choix du modèle de nuisances et d ses paramètres est crucial pour la qualité des résultats cosmologiques : un mauvais choix entraine au mieux des erreurs plus grandes, (le résultat n’est alors pas faux, mais il est moins bon) et au pire des biais (le résultat est faussé par les effets mal pris en compte).
Légende : Modélisation de l’émission thermique de la poussière à 545 GHz. A cette fréquence la contribution du rayonnement fossile est très faible et facilement modélisée. Cela permet de construire un modèle des propriétés de la poussière afin de nettoyer les plus basses fréquences qui sont elles très sensibles au rayonnement fossile. On voit ici que la carte à 545 GHz est correctement décrite par la somme des émissions galactiques (bleu) et extragalactiques (orange).
Crédits : ESA - collaboration Planck
Que l’on ait déterminé d’après les données de Planck que la densité de matière noire valait 0.31 n’est pas le plus important. Le résultat vraiment utile, et impressionnant, est que cette densité vaut 0.3121 +/- 0.0087 (cas Planck seul avec température + polarisation + lentille gravitationnelle), c’est à dire que l’incertitude sur cette valeur est correctement déterminée et s’établit à moins de 3%.
L’énorme travail qui se cache derrière chaque tableau de valeurs réside dans la vérification de la compatibilité entre tous les jeux de données possibles. Tant que ce n’est pas le cas, cela signifie que quelque chose n’a pas été compris ou correctement pris en compte, que ce soit lié à la réponse instrumentale ou aux sources astrophysiques d’avant-plan. Par exemple si on voit une différence selon que l’on prend tel ou tel détecteur, cela signifie nécessairement que l’on comprend imparfaitement son fonctionnement. Et vue la très faible amplitude des signaux en polarisation, la connaissance de l’instrument et des avant-plans astrophysiques doit être vraiment proche de la perfection…
Mieux on comprend les détecteurs et avant-plans, mieux on les modélise et moindres sont les erreurs sur les paramètres cosmologiques. Des résultats compatibles sont une condition nécessaire (et un très bon indice) de paramètres fiables (valeur de leurs erreurs incluses bien-sur).
Les Planckiens ont en fait passé plus de temps à étudier le bruit que le signal lui-même ! Les mesures étant la somme de signal et de bruit, tous les deux inconnus, de multiples combinaisons de données sensées annuler le signal ont été mises en oeuvre pour isoler et mieux comprendre les propriétés exactes du bruit.
Une fois ces dernières connues avec une précision suffisante, les données peuvent alors être nettoyées des effets attendus du bruit pour mieux mettre en évidence et analyser le signal. On compare également différentes méthodes entre elles.
Légende : Un jeu de 6 paramètres permet de rendre compte des 19 pics, 7 en température TT, 6 en croisant température et polarisation scalaire TE et 6 en polarisation scalaire EE. Plus de 8000 points gris indiquent la valeur du spectre de puissance en chaque multipole, les points bleus les valeurs moyennées dans de petits intervalles de multipole. Sous chaque courbe est tracée l’écart au modèle, les lignes jaunes donnant la dispersion attendue des points individuels (en gris).
Crédits : ESA - collaboration Planck
Légende : Vérification de la robustesse des résultats en comparants différentes analyses. Chaque bande horizontale correspond à un paramètre cosmologique et chaque valeur au résultat obtenu avec des approches variées et des jeux de données utilisées plus ou moins grands. Il est normal que les erreurs diminuent quand plus de données sont utilisées (la variation attendue est indiquée par les zones grises). Des milliers d’heures sur de puissants ordinateurs sont nécessaires pour effectuer ces multiples vérifications.
Crédits : ESA - collaboration Planck
La comparaison entre les spectres obtenus d’après les cartes à différentes fréquences est l’un des tests majeurs. Il permet notamment de vérifier que le rayonnement fossile n’est pas (ou suffisamment peu !) pollué par des sources astrophysiques qui, elles, donnent un signal différent selon la fréquence.
Légende : Spectre de puissance estimé d’après les données à 70, 100 et 143 GHz comparé au résultat obtenu avec toutes les données (les points sont légèrement décalés en abscisse pour être visibles). Les petits points correspondent aux valeurs pour chaque multipole, les gros points aux valeurs moyennées. Tous les résultats sont parfaitement compatibles. Les courbes qui croissent avec le multipole l sont les spectres du bruit à ces fréquences.
Crédits : ESA - collaboration Planck
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