Les neutrinos sont des particules “fantômes” : elles interagissent si peu aujourd’hui avec les autres particules qu’elles peuvent traverser notre planète. Il est donc très difficile de les étudier directement sur Terre car elles ignorent, presque totalement, nos détecteurs. Mais le rayonnement fossile témoigne d’une époque où la densité de ces particules était si élevée qu’elles interagissaient gravitationnellement avec les autres particules massivement présentes - les photons. La matière, noire ou baryonique, était alors un constituant négligeable.
Le rayonnement fossile est un outil précieux pour étudier les neutrinos. Pour la première fois, Planck détecte sans ambiguité l’effet des neutrinos primordiaux sur la carte du rayonnement fossile en accord avec le modèle du Big-Bang et le modèle standard de la physique des particules alors qu’il n’est même pas envisageable de détecter directement ces neutrinos extrêmement peu énergétiques aujourd’hui.
Lorsque l’univers avait plus d’une seconde - mais moins de 380 000 ans, il était totalement opaque à la lumière mais déjà transparent à un autre type de particules très légères, abondantes à cette époque.
Ces particules ne peuvent pas être de la matière ordinaire car l’univers n’était pas transparent pour elle à cette époque, elles ne peuvent pas être de la matière noire qui doit être beaucoup plus lourde, mais elles pourraient bien être des neutrinos. Ces particules furtives peuvent traverser un milieu dense alors que même la lumière ne le peut pas. Exactement comme pour le Soleil : les neutrinos nous parviennent du coeur de l’étoile alors qu'aucun photon ne s'échappe de l'intérieur du Soleil. Ces neutrinos qui se sont échappés de l’univers primordial à l'âge cosmique d’une seconde environ sont appelés neutrinos fossiles. Le modèle du Big-Bang prédit ce fond de neutrinos, exactement comme il prédit le fond de photons : les premiers calculs datent de 1953.
On peut en principe “voir” indirectement ces particules via leur effet sur les photons qui constituent le rayonnement fossile. Les neutrinos laissent leur marque à travers plusieurs quantités (époque de l’égalité matière-rayonnement, taille de l’horizon sonore et échelle de diffusion au moment du découplage…). On peut déterminer le nombre d’espèces de neutrinos Neff avec uniquement le rayonnement fossile à condition d’accéder à toutes les échelles angulaires, y compris celles de quelques minutes d’arc qui correspondent aux pics acoustiques les plus amortis.
Si les derniers résultats de WMAP 9 ans laissaient sérieusement envisager la possibilité d’une quatrième espèce de neutrinos, aujourd’hui, l’étau se resserre autour de la valeur théorique de 3.046 grâce notamment aux données en polarisation aux petites échelles angulaires.
Légende : Contraintes et lien entre le nombre d’espèces de neutrinos, la vitesse d’expansion de l’univers aujourd’hui H0 et le paramètre σ8 qui caractérise la structuration de la matière à grande échelle. Les points de couleur correspondent aux contraintes température uniquement, les contours noirs en ajoutant la polarisation à toutes les grandes échelles angulaires et les oscillations acoustiques de baryons. Les lignes verticales correspondent à la valeur de Neff prédite par divers modèles : la ligne pleine correspond au modèle standard, les lignes pointillées à des modèles avec une quatrième espèce de neutrino (selon le type de neutrino, actif ou stérile, et l'époque de leur découplage).
Crédits : ESA - collaboration Planck
Résultat préliminaire
Mais la seule mesure du nombre d’espèces ne dit pas si la source additionnelle de radiation - autre que les photons, consiste en particules relativistes “libres” ou en quelque chose d’autre qui se comporte comme un rayonnement ou encore des particules relativistes fortement ou moyennement couplées, interagissant donc plus ou moins fortement avec d’autres sortes de particules.
Il est possible de distinguer ces différents cas. Les neutrinos et les photons interagissent gravitationnellement et cette interaction est très importante quand le rayonnement domine. Des valeurs différentes de certains paramètres traduisent des évolutions différentes des perturbations dans la répartition des neutrinos et donc de la force gravitationnelle sentie par les photons.
C’est la première fois que l’on détecte de façon significative la signature de la présence d’une particule dont toutes les propriétés sont égales à celles du neutrino. Il y a une double preuve de la compatibilité du neutrino standard avec le modèle standard de la cosmologie : à travers le paramètre Neff montrant qu’il existe une espèce relativiste avec la bonne abondance et à travers les paramètres c2eff et c2visc montrant que cette particule se propage librement, comme c’est attendu pour une particule qui s’est déjà découplée du plasma primordial.
PARAMETRE | VALEUR THEORIQUE | TOUT PLANCK | TOUT PLANCK + BAO |
Neff | 3.046 | 2.98 +/- 0.20 | 3.04 +/- 0.18 |
C2visc | 0.333 | 0.336 +/- 0.039 | 0.338 +/- 0.040 |
C2eff | 0.333 | 0.3256 +/- 0.0063 | 0.3257 +/- 0.0059 |
Résultat préliminaire
Les plus anciens photons permettent ainsi de vérifier que les neutrinos sont, précisément, conformes au modèle standard de la physique des particules dans le cadre du modèle standard de la cosmologie. Il devient de moins en moins imaginable de remettre fondamentalement en question ce dernier.
Enfin Planck permet d’améliorer la limite sur la somme des masses des neutrinos : celle-ci est inférieure à 0.23 eV à 95 % de niveau de confiance dans un cadre robuste.
Légende : Contraintes et lien entre la somme des masses des neutrinos, la vitesse d’expansion de l’univers aujourd’hui H0 et le paramètre σ8 qui caractérise la structuration de la matière à grande échelle. Les points de couleur correspondent aux contraintes de température uniquement, les contours noirs en ajoutant la mesure des effets de lentille gravitationnelle, et les zones bleues en ajoutant les oscillations acoustiques de baryons.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Résultat préliminaire
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