Les rayons cosmiques bombardent en permanence la Terre mais plus encore nos satellites. Quel est l’impact des rayons cosmiques sur Planck ? Quel rôle joue le Soleil ? Que fait-on face à ce fléau ? Quel est son impact sur la cosmologie ? Autant de questions généralement passées sous silence (sauf dans des réunions ou conférences spécialisées bien-sûr) qui trouvent des réponses ici.
Ces particules circulent dans l’espace. Elles sont de diverses natures (électron ou positron, proton ou noyau plus lourd), de diverses énergies (minuscule ou équivalente à une balle de tennis) et de diverses origines (solaire, galactique ou extragalactique). Heureusement il y a des liens entre ces éléments et un seul cas nous concerne vraiment.
Les particules cosmiques extragalactiques sont extrêmement énergétiques mais surtout très rares (moins d’une par mètre-carré et par an typiquement), donc on peut les ignorer sans scrupule. Les particules solaires sont principalement des électrons peu énergétiques. Ces corpuscules du vent solaire ne sont pas capables de traverser de traverser le miroir ou un cornet en cuivre par exemple, donc on peut également les ignorer. Toutefois lors d’éruptions solaires, l’énergie et le nombre de particules émises peut considérablement augmenter, le Soleil devient alors “gênant”. Enfin les rayons cosmiques galactiques, particules très nombreuses circulant dans la Voie Lactée au gré des collisions et des interactions, ont en majorité une énergie suffisante pour traverser des morceaux d’instruments et atteindre les bolomètres.
Légende : Vue d'artiste des rayons cosmiques entrant en collision avec les noyaux de l'atmosphère et provoquant des cascades de particules secondaires atteignant le sol de la Terre.
Crédit : Asimmetrie / Infn, page web
Les bolomètres détectent un dépôt d’énergie. Tout est conçu pour récupérer l’infime énergie laissée par un photon de la bonne longueur d’onde, mais le passage d’un rayon cosmique va également déposer de l’énergie. Nous appelons ce signal un “glitch” - il n’y a pas vraiment de traduction. C’est une sorte d’accident…
Les photons sont très nombreux et déposent chacun une très faible énergie : on ne voit que les variations d’un flux continu. En revanche les glitchs sont “rares” : un par seconde typiquement dans HFI mais ils laissent une énergie importante. Ainsi on mesure le signal laissé par chaque particule cosmique qui rencontre un bolomètre. En principe, c’est juste un pic instantané, mais il faut compter avec la réponse électronique et thermique du détecteur : il faut laisser le temps à l’énergie déposée de se dissiper.
Légende : 10 secondes de données dans l’un des deux bolomètres aveugles (qui ne voit pas le ciel). On voit clairement les signaux caractéristiques laissés par les rayons cosmiques.
Crédits : ESA - collaboration Planck/HFI
Une partie des données, celle qui est la plus visiblement affectée par ce signal parasite est éliminée. C’est donc comme si on avait observé le ciel un peu moins longtemps. Les effets faibles mais qui durent longtemps sont corrigés.
Les détecteurs des instruments embarqués sur le satellite ne “voient” jamais le Soleil. Cependant notre étoile influence le parasitage de l’instrument HFI car elle nous protège (partiellement) des rayons cosmiques galactiques.
En effet, de même que la magnétosphère terrestre nous protège d’une large partie du rayonnement cosmique sur Terre, la magnétosphère solaire nous met partiellement à l’abri du rayonnement cosmique galactique en nous entourant d’une sorte de bouclier magnétique.
Mais l’efficacité de ce bouclier est variable car elle suit l’activité solaire qui a un cycle de 11 ans. En période d’activité maximale, notre étoile nous protège mieux et inversement - les mécanismes précis de la modulation solaire sont toutefois encore assez mystérieux. Les tâches solaires sont observées littéralement depuis des siècles et on a constaté un minimum plus long et plus important vers 1710, 1810, 1910… et 2010.
Par rapport au calendrier de Planck avec des observations à partir de mi-2009, c’était une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne nouvelle car nous n’avions pas à redouter des éruptions solaires longues et importantes qui auraient pu conduire à la perte de plusieurs jours de mission. Mauvaise nouvelle car le nombre de cosmiques allait être plus important que prévu.
Le nombre de glitchs mesuré a effectivement été supérieur aux estimations basées sur l’expérience Archeops lancée proche du maximum solaire précédent. Au cours de la mission, au fur et à mesure que le Soleil sortait de sa torpeur, le nombre de glitchs a diminué. A la fin de la mission, le nombre de glitchs par minute était environ 20% plus faible qu’au début de la mission. En fin de mission en revanche nous avons clairement observé les effets de quelques éruptions solaires sur nos données.
Légende : Nombre moyenne de tâches solaires par an.
Crédits : SILSO graphics, Royal Observatory of Belgium 01/05/2014
L’activité solaire n’explique pas le fait que l’on a observé environ un glitch par seconde contre quelques uns par minute attendus.
Au départ, on considérait uniquement les particules traversant directement la grille ou le thermomètre du bolomètre. Le signal déposé est alors toujours très important. On a, effectivement, observé quelques événements par minute avec ces caractéristiques.
D’où venaient les autres ? Ce problème nous a longtemps occupé ! Diverses hypothèses ont été testés, les données au sol ré-examinées, des expériences à Orsay et à Grenoble ont été faites et analysées. Finalement c’est presque la sensibilité des bolomètres qui est fautive : ils sont trop bons ! En effet lorsqu’une particule traverse le substrat du bolomètre, partie beaucoup plus étendue que le bolomètre lui-même, ce dernier détecte l’énergie déposée bien que celle-ci ne “passe pas” (enfin donc quasiment pas) entre le bolomètre et le substrat. Tout devient cohérent…
Légende : Illustration de l’impact des rayons cosmiques sur un bolomètre sensible à la polarisation de Planck-HFI.
Crédits : Jep Propulsion Laboratory
L’analyse de données s’est adaptée à cette “pollution” et la réponse comprend deux étapes :
On ne peut toutefois pas corriger toutes les données car, autour du pic, le signal parasite est tellement plus fort que le signal astrophysique qu’il faudrait estimer ce signal parasite “parfaitement” pour le soustraire de façon sereine - et nous n’avons d’estimation “parfaite”.
Les particules ne “visent” pas les détecteurs : tout l’instrument est arrosé. Il y a donc un chauffage global de la platine sur laquelle sont montés les détecteurs produit par les particules cosmiques “ordinaires”.
Légende : Illustration de l’évolution de la température de la platine qui porte les bolomètres de Planck-HFI. L’évolution globale (montée en 2009 puis descente) est dictée par la modulation solaire : de moins en moins de rayons cosmiques galactiques atteignent la platine. Les pics à partir de mi-2010 (sauf le grand vers 2010.6 qui est dû à un effet instrumental) correspondent à des éruptions solaires plus ou moins importantes.
Crédits : ESA - collaboration Planck-HFI
Mais ce n’est pas tout : lorsqu’un cosmique très énergétique traverse divers éléments de l’instruments il se produit une cascade de nouvelles particules créant à leur tour des glitchs quand ces particules dites secondaires tombent sur un détecteur. Quelques fois par jour, on observe un événement de ce type qui se traduit par des glitchs simultanés sur la majorité des bolomètres et une élévation globale de la température qui met plus d’une heure à retrouver son niveau de base. Nous avons baptisé ce type d’événements “éléphants” ! Ils ne sont pas vraiment un problème : on perd quelques secondes de données et on corrige de l’effet thermique.
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