Outre la caractérisation précise du rayonnement fossile, Planck a permis la détection de plus d’un millier d’amas de galaxies grâce à un phénomène appelé effet Sunyaev-Zel’dovich (dit aussi effet SZ, du nom des deux chercheurs soviétiques l’ayant prédit à la fin des années 1960). En ne conservant que les amas dont les propriétés avaient été particulièrement bien mesurées par le satellite, les chercheurs de la collaboration Planck ont dressé un catalogue de 439 amas à partir duquel ils ont pu extraire des informations sur le contenu matériel et l'histoire de l'Univers, indépendamment de l'analyse standard effectuée sur les anisotropies du rayonnement fossile.
La formation des structures dans l‘Univers (galaxies, amas de galaxies, filaments de la toile cosmique) est très sensible à certains paramètres décrivant l'Univers, en particulier à la quantité de matière ordinaire et de matière noire, souvent notée Ωm, et à un paramètre appelé σ8 décrivant le degré d'inhomogénéité de la matière à l'échelle des amas de galaxies. A l'aide de simulations numériques, il est possible de prédire le nombre d'amas de galaxies situés à une distance donnée en fonction de ces deux paramètres Ωm et σ8, et de le comparer au catalogue d'amas dressé par le satellite Planck. On peut alors en déduire des contraintes sur ces deux paramètres.
Cette analyse demande cependant une connaissance de la masse des amas pour faire le lien entre amas observés et amas simulés. Cette quantité n’est pas fournie par l'analyse des données de Planck, ce qui nécessite d'adjoindre des données supplémentaires à celles existantes. Trois sortes d'entre elles ont ainsi été utilisées. Les deux premières utilisent les données de télescopes terrestre recueillies par les collaborations "Weighing the Giants" (WtG) et "Canadian Cluster Cosmology Project" (CCCP). Elles utilisent l’effet de lentille gravitationnelle faible observé dans la région de ces amas, c'est-à-dire la légère distorsion de la forme apparente des galaxies situées en arrière plan, la masse de ces amas altèrant la façon dont la lumière se propage dans leur voisinage. La troisième, novatrice, utilise directement le même effet de lentille gravitationnelle produit par ces amas, mais cette fois sur les anisotropies primaires du fond diffus observé dans les données Planck (CMBlens).
La figure ci-dessous présente ces résultats. Elle montre les estimations obtenues pour Ωm et σ8. Les contours verts/bleus/violets correspondent respectivement à l'utilisation des données WtG/CCCP/CMBlens pour estimer la masse des amas. Le contour en tirets noirs est l'estimation obtenue avec l’analyse effectuée sur les anisotropies du rayonnement fossile.
Légende : Paramètres cosmologiques obtenus avec les amas mesurés par le satellite Planck à un niveau de confiance de 68% (zones foncées) et 95% (zones plus claires). L’amplitude des fluctuations de densité de l’Univers σ8 estimée avec les amas selon différentes hypothèses sur leur masse (contours verts, bleus et violets) est plus petite que celle mesurée avec le rayonnement fossile (contour en tirets noirs). L’accord sur l'estimation de la quantité de matière Ωm est satisfaisant. Les contours rouges sont issus d’une analyse combinée amas de galaxies/effet de lentille gravitationnelle sur la carte du rayonnement fossile.
Crédits : ESA - collaboration Planck
Comme on peut le voir sur la figure, les contours de couleur sont plus ou moins en tension avec les valeurs favorisées par l'analyse du rayonnement fossile.
Quand on estime le paramètre σ8 via le rayonnement primordial, on effectue en réalité une extrapolation sur la façon dont la gravité rend peu à peu l'Univers de plus en plus inhomogène. Or cette extrapolation dépend des propriétés de toutes les formes de matière qui emplissent l'Univers - notamment celles des neutrinos qui ne sont pas aussi bien connues que l'on aimerait. L'inhomogénéisation de l'Univers est d'autant plus lente que les neutrinos sont dotés d'une masse importante. Dans le modèle standard de la cosmologie, il existe trois types de neutrinos, dont la somme des masse est considérée comme valant 0.06 eV (soit environ un dix-millionième de la masse de l'électron). Le désaccord sur σ8 entre rayonnement fossile et amas pourrait être résolu si on permettait que la somme des masses des neutrinos soit de l’ordre de 0.2 eV. Mais cette valeur n'est pas favorisée par d'autres observations… En effet les mesures des oscillations acoustiques de baryons (BAO) combinées à celles du rayonnement fossile suggèrent une valeur plus petite que 0.17 eV. La masse des neutrinos peut donc aider à la réconciliation mais peut difficilement être la seule explication du désaccord.
Une autre solution serait de considérer que les amas sont plus massifs que ce que l'on déduit des observations mais cela pose alors des problèmes astrophysiques. En particulier, cela impliquerait que la proportion du gaz dans les amas ne serait plus représentative de la valeur moyenne mesurée dans l’Univers, ce qui n’est pas prédit par les modèles de formation d’amas.
Mais on peut aussi remarquer, toujours sur cette figure, que les contours WtG et CMBlens ne sont pas en très bon accord entre eux, ce qui montre la difficulté d’estimer avec précision la quantité de matière noire dans les amas. Pour résoudre définitivement cette tension, il sera nécessaire d’améliorer la précision de mesure de la masse des amas à quelques pour-cent.
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